Véritable invitation au voyage, la route sur laquelle Noémie Pomerleau-Cloutier nous invite à naviguer avec elle aura su, au fil des mots, nous émouvoir et nous transformer dans le déploiement de ses vagues. Originaire de la Côte-Nord et habitant aujourd’hui Montréal, l’autrice nous convie à l’accompagner dans un retour aux sources qui va au-delà de la quête de soi, à la rencontre véritable de l’autre. Deuxième recueil de poésie pour cette écrivaine formatrice en alphabétisation populaire et engagée dans la démocratisation de la poésie, La patience du lichen constitue en fait un genre peu pratiqué, celui de la poésie documentaire. Enregistreuse à la main, l’autrice est montée à bord du Bella Desgagnés, le navire qui ravitaille, au-delà de la route 138, les communautés de la Basse-Côte-Nord. C’est un voyage qu’elle a fait à plusieurs reprises dans le cadre de son projet. Tête-à-la-Baleine, Pakua Shipi, St. Paul’s River, et bien d’autres encore : dans ces villages, elle s’est arrêtée pour s’entretenir avec leurs habitants – francophones, anglophones et innus – et surtout, pour écouter leurs récits. C’est avant tout de ces rencontres dont témoigne ce magnifique ouvrage.
Chaque section du recueil porte le nom d’une communauté et présente un portrait évocateur. Il s’agit parfois d’un lieu ou d’un événement, mais la plupart du temps, d’une personne de cette communauté. Dans une langue simple et juste, les poèmes se terminent souvent par un vers ou deux qui résument l’essence de la rencontre, comme une offrande aux gens qui lui ont ouvert leur porte et, on s’en doute, leur cœur. Un mouvement de l’autre à soi, et de soi à l’autre, évoquant le mouvement des vagues :
dans les filets à pétoncles
l’acharnement de leurs avant-bras
un lot de surprises
des lunettes des bouteilles du charbon
des carabines
la patte d’un ours polaire
des morceaux d’épaves
un pot à lait peut-être venu du Titanic
pêcher à la drague
se sentir pirate
Bien sûr, un tel projet n’était pas exempt d’écueils : le regard bienveillant de l’autrice aurait pu tomber dans la mièvrerie, la poésie de ce projet documentaire aurait très bien pu ne pas être au rendez-vous. Mais c’eût été sans compter sur la sensibilité et le regard uniques de Noémie Pomerleau-Cloutier. Finalement, La patience du lichen est un exercice poétique réussi, empreint d’une belle et grande humanité. Un voyage où nous avons envie de demeurer.
POMERLEAU-CLOUTIER, Noémie. La patience du lichen, Saguenay, Éditions La Peuplade, 2021, 249 p.
Note d’appréciation : 9/10
Source de l’image : https://lapeuplade.com/archives/livres/la-patience-du-lichen