LE SAINT-LAURENT
C’est d’une berge endormie battue par les vents au cœur des lacs immenses que naquit
Le Saint-Laurent.
Devenu cascade ronflante portant les eaux du dégel au printemps alors mugit
Le Saint-Laurent.
Puis sur les flots étales avec la lune discrète s’y reflétant, les étoiles sourient
Au Saint-Laurent.
Des Grands Lacs à l’Atlantique au soir flamboyant s’amusent les goélands au-dessus
Du Saint-Laurent.
Paradis des pêcheurs fourbus et parsemé de voiles petites et grandes chante avec joie
Le Saint-Laurent.
Les champs fleuris le bordent couverts d’outardes et d’oies blanches.
Dans l’allégresse du printemps entament une danse criarde en volant au-dessus
Du Saint-Laurent
De son estuaire bondissent baleines et bélugas en souriant si joyeusement
Au Saint-Laurent.
L’océan jaloux la majesté du golfe car en cette contrée les dieux gardent la noblesse
Du Saint-Laurent.
Au crépuscule violet s’endort l’eau calme parée de rose, de rouge et d’orangé et avance
Lentement le Saint-Laurent.
Entre chien et loup en vagues hurlantes vers les nuées d’orages s’y reflétant, rugit
Le Saint-Laurent.
Sous le velours sombre parsemé de diamants, mugissant et magnifique, s’enfle toujours le
Saint-Laurent.
Défiant les saisons, les glaces et les courants il demeure sans arrogance constamment
Le Saint-Laurent.
Sans marée et pourtant sans cesse changeant soupire si silencieux dans la nuit attentive
Le Saint-Laurent.
Là où l’onde plombée reflète l’azur triste et gris de l’automne, souvent indifférent
S’enfuit le Saint-Laurent.
Puis doucement devant ta demeure s’essouffle alors et enfin repose en toute royauté,
l’unique, le plus grand,
Le Saint-Laurent.
FLEUVES DE SANG
Aux lendemains dorés se sont succédés les jours vidés de ta présence
Aux lendemains dorés, en tous les vergers, dorment les arbres brisés
Reviens vite, sans toi je suis un somnambule mal éveillé
Reviens je t’en prie, depuis un siècle je suis lourd de ton absence
Au temps de la fin, des rivières sanglantes émergent et les furies
S’agrippent à mon esprit, leurs griffes bien ancrées en mon cœur
Les montagnes éclatent, alors ricanent les monstres par moi créés
Je veille, hagard, sans cesse étonné des gestes simples de la vie
Je mime mon existence sans écho, esclave sans mémoire
Au temps de la fin, la terre craque et enfante des avortons
Au temps sans fin, si lent, exsude des visages connus dans un rêve
Reviens je t’en prie et que renaisse le simple jour ensoleillé.
LES CHAMPS FLEURIS
Arlequin s’évade vers les champs fleuris
Sans espoir, visage hagard, il pleure et rit
Désormais, soleil éteint, Pierrot son ami,
Sous un ciel noir et gris, est mort aujourd’hui.
Habits sales et perles de pluie sur ses joues
Rêves déchirés, disparus les jours bénis
Autour de lui, les enfants aussi sont partis
Gris souvenirs s’enfuyant comme plumes au vent
Dans son costume à carreaux verts, en tremblant
Il marche sur la berge, près du lac sans remous,
Même les oiseaux se sont tus, anéantis
L’air parfumé désormais est amer rosé
Du bonheur, pommes et cerises oubliées.
L’infini sommeil a effacé son ami
Seul, le héros jamais ne fera plus d’heureux.
Arlequin titubant est détruit aujourd’hui.
Ce bouffon épuisé au visage ridé
Sans nul sourire, maintenant le dos courbé
Va sur la route de l’avenir, démuni.
Les amuseurs aveugles à vélo sourient aux anges.
Hurlent les funambules sous le chapiteau
S’efforçant de tomber avec élégance
Tous ces pauvres clowns au sourire morose
Devenus des proscrits en leur propre pays.
Seul sur la piste ronde au sable pâle
En ombre vile tous feux dorénavant éteints
En cette nuit glauque où mourut le cirque,
Plus jamais ne fera rire tous les bambins
Arlequin en pleurant s’enfuit
Arlequin est triste aujourd’hui.
LE PAYS INCONNU
Dans une contrée désertique rêvent les fourmis bleues
Et se forment les arbres, l’herbe et la faune en ce lieu
Issus de leur sommeil. En ces parages ces insectes bénis
Créent un monde inconnu où leurs songes prennent vie
Hors de portée des humains, les fourmis s’efforcent
D’engendrer
Un paradis au tissu fragile, un monde à part, anonyme et
Indéfini
Que nul n’éveille les créateurs, que nul n’empiète sur leur
Pays.
LA CLAIRIÈRE
Une clairière inconnue dans une forêt perdue
Un lieu de sacrifice, un lieu de pardon. Un lieu d’oubli
Des feuilles sèches folâtrent au vent en valsant
Et les fougères en de gracieuses arabesques
Les saluent en souriant doucement.
Les arbres se chuchotent entre eux des secrets millénaires
Et les clochettes des tiges de muguets reposent en silence
Ici tout est miracle, tout est nouveau. Depuis toujours.
Les licornes font la sieste et les guêpes dansent avec
Les libellules
Les colonnes de lumière du soleil chauffent
Les hirondelles.
En ce lieu de demain inconnu des humains.
Le soleil accouche d’un temple immatériel
La forêt retient son souffle et je marche vers
L’autel solitaire.
LE DERNIER JOUR
Les étoiles sont voilées et le ciel n’est plus irisé.
La lame autrefois brisée est maintenant reforgée.
L’armée des précurseurs est en marche une fois dernière.
Dorénavant, les soldats confiants avancent, si fiers.
L’allégeance envers la terre est renouvelée, le sceau est sacré.
Les humains sont légions et la mort est sans pouvoir sur eux
Demain, la guerre telle un fol ouragan soudain et monstrueux
Éclatera et brisera les âmes malignes et les esprits funestes.
Vos glaives forgés par les anciens au cœur du feu de Mercure
Protégerons vos vieux corps bardés d’armures d’étain et d’acier
Vois, alertes et vigoureux, ils sont des milliers avançant vers
La grande guerre de notre ère, toutes races confondues
Nul n’échappera à la pesée sans pitié lors du
Dernier grand choc de notre temps.
Debout mes frères, le mal n’aura plus d’emprise grâce
À notre victoire, maintes fois espérée et souvent remise
En ce jour encore, voilà le seul combat, l’ultime rencontre
Soyez fiers et dignes, voilà le dernier jour de notre si long chemin.
Voilà le pays où nous vivrons désormais, fleuri de lavande et de roses.
Voilà, enfin la terre transformée en un immense jardin d’éternité.
De la mort je ne crains rien car je suis, depuis toujours, soldat du bien.
ILS SONT LÀ
Tant de sourires amers et de rires jaunes
Des figures fripées et des membres distordus
Voilà, dit-on, de l’humanité les rebuts.
Vivants, ils accusent par leur seule présence
Les biens nantis et les biens portants.
En béquilles ou en fauteuil roulant
Regardez-les, ils ne s’évanouiront pas, jamais.
Regardez-les bien enfin car dorénavant
Ils sont vos frères, vos sœurs et vos enfants.
Mais vous détournez les yeux, en leur mentant.
Vous courrez et en vos demeures vous enfermant
Vous n’êtes plus alors que vile paille et vains témoins.
AVEC CANDEUR
Embrasser l’extraordinaire toujours
Être candide sans être naïf
Du point du jour au crépuscule
Dire le murmure intérieur sans cesse
Être empreint du pouvoir des mots
Réfléchir sans arrière-pensées
À la recherche de la perle évocatrice
Et circonscrire l’émotion, la sensation.
Voilà le but ultime
Voilà la seule mission.
NOS ÂMES LIÉES
Aucun espace entre nos âmes ébahies
Désormais, par nos amours unies.
Nos esprits, par un serment muet, liés,
Une promesse sans cesse renouvelée.
La mort et la haine n’auront nulle emprise
Le temps sur nous n’aura non plus nul empire.
En toute éternité, en enfer ou au paradis
Je te retrouverai et
Notre serment doré, je reforgerai.
MIEUX
Sublimer l’ordinaire et l’élever vers la beauté
Ennoblir les gestes et ainsi soi-même
Devenir son propre idéal. S’épurer,
Retrouver sa matière première
Au centre de mon humanité
Je suis et serai à parfaire
Encore et toujours pour toi
Abraser mes défauts et polir mes qualités.
Mieux devenir ce que les autres voient en moi
« LE LONG LABEUR DU TEMPS »
- John Brunner
Ma vie est au ralenti
Mes gestes tremblotants
Je suis ici condamné à vivre.
La vie est lente.
Plus rien ne me fait joie.
Même mes souvenirs
Ne m’enchantent plus.
Je respire lentement,
Je mange lentement,
Je vis lentement.
Je suis vieux et
Reclus dans une chambre.
Mon corps est ma prison.
PETITS MATINS
Petits matins d’été aux teintes rosées sans pareilles
Les rouges-gorges chantent leur allégresse
De minces hirondelles volent sous le soleil
L’aurore exulte et retentit de couleurs pastel
La rivière court en chantant une messe solennelle
Le murmure de la chute d’eau me charme
La brume se dissout en rosée parfumée
L’herbe et les arbres saluent le soleil levé
L’air immobile paresse et je m’éveille heureux
Je respire ton odeur, tu dors nue et je vis,
De toute la beauté du monde, j’ai les yeux emplis
La nature respire enfin en ce jour saint
Et désormais ma vie est dans ta main.
KAMIKIA
Au nord du nord, avant le Mont-Laurier
Sur trente miles un lac immense s’étend
Il se rappelle encore son héroïque passé
Alors qu’il était couvert de rondins de pins
Il se souvient, nostalgique, des bandes d’Indiens
Dans leurs canots d’écorce, le labourant en
Descendant vers le village à peine fondé.
Un lac aux milles îles, un lac où l’orage fait rouler le tonnerre
Si puissamment qu’on le croirait à l’intérieur de notre maisonnée
Un lac à l’eau si pure que les poissons sont gênés d’y nager.
Kamikia : sous les milliers d’étoiles se reflétant à ta surface
Tu accueilles des ilots sauvages et sur leur plage se tordent
Des souches blanchies gardées par les renards et les merles.
Kamikia : un paradis inconnu, un secret si bien gardé,
Une mer intérieure aux eaux bleues dormant depuis dix mille ans
Un lac immense songeant au passé et, sans raison, souriant
Au soleil en un salut silencieux avec ses eaux enchantées.
LE TOTEM
Je suis fils de plaines arides et de forêts de pins
Je suis enfant des vents d’hiver et du soleil d’été
Je cours, en meute, le museau au vent, libre et vivant
Je suis le loup, menace, crainte et chef de clan
Au nord de la toundra, je suis maitre de mon royaume
Depuis des millénaires en mon domaine je chasse
Je suis craint par les hommes et les bêtes vivantes
Je suis loup, totem sacré issu du passé et force ardente.
APPEL À TOUS
J’en appelle à tous, je suis Michel fils de Claude fils de Lionel.
J’en appelle à vous mes ancêtres : entendez-moi, encore une fois
Accordez-moi cette fois courage, assiduité et toujours persévérance
Ancrez-moi en cette réalité, que j’avance en matière dense.
Que votre souffle m’enflamme et je survolerai ces pierres sur
mon chemin
J’en appelle à cette force invincible et invisible mais présente pourtant
Protégez-moi, soutenez-moi car au jour d’aujourd’hui, plus que jamais
J’ai besoin d’être guidé, alors que mes yeux se sont éteints, se sont enfuis.
Depuis un millénaire je ne vois plus rien, mon royaume est la nuit
Aveugle je suis.
PARFUM COULEUR PASTEL
Fragrance en résonance virevoltant dans l’air salin,
Les âmes fragiles emportées sous le couvert des embruns.
Le vent doux amène son lot de joies fugaces
L‘invisible plaisir m’emplit de gratitude enfin.
Des effluves évanescents discrètement colorent mon sentier
L’ineffable demeure en soi où se taisent les remous du passé.
Bornes éphémères sur un chemin de joie, ses arômes parfumés
Teignent le tissu même de ma vie et embaument mon foyer.
LA MURALE
Une murale peinte à l’aquarelle, un dessin sans fusain.
Un triptyque coloré, trois tableaux étonnants.
Une maison, une famille déjeunant dans un jardin.
Des couleurs étalées sous un vernis étincelant,
Un ciel bleu indigo et à l’horizon des monts géants
Toute la beauté du monde nous représentant
Sans mouvement, unis sous les rires enfantins.
Une murale. Un moment d’éternité en remerciement.
LA PLAINE
La plaine. Immense et verdoyante,
Une mer de vagues vertes, caressantes.
Sans remous. D’est en ouest haletante
Sous le soleil, la plaine ondoyante,
Parsemée de trèfles et de marguerites.
Embrassant l’horizon à l’infini,
Accueillant les loups et les aigles.
Là où les dunes désirent être collines
Et les collines croient être montagnes.
La plaine, dormant le soir, indifférente,
En elle-même radieuse éternellement.
Désormais en cette plaine immense
Tout est silence.