Arts textuels

Âmes endormies

Les planches de bois abritaient nos souvenirs,

Nos pleurs, 

Nos joies, 

Nos amours, 

Mais surtout nos rires,

Des heures durant lesquelles nous étions ensemble,

Seulement entre nous, 

Comme des âmes introuvables.

Nos sourires embellissaient la pluie,

Le soleil dorait nos journées angoissantes,

L'orage illuminait nos cris,

La nuit rendait les lois transparentes.

Nous n'avions pas peur de nous quitter,

Comme un tour de magie,

Rattrapé par la vie,

Ils ont mal agi,

Nous étions démunis,

Ils nous ont quittés sans rien nous laisser. 

Parfums de poésie

LES POÈTES

Torture existentielle amputant nos désirs

L’homme n’est que mortel, c’est là son avenir

Pourtant certains rayonnent et font briller nos vies

Sans attendre que sonne un ennui infini.

Je les ai vus parfois, savourer leur musique,

Composer sous les toits, si curieuse acoustique

Ils entraînent les mots dans une course folle

Au son de doux échos, joyeuse farandole.

 

Ils embaument les fleurs et chavirent les cœurs

Envolée de senteurs, les mots ont une odeur

Ils peignent des tableaux qui sentent le vin chaud

Réveillent des châteaux, n’y mettent que du beau.

 

Ils font jouer les pieds et comptent sur leurs doigts

Fouillent dans leurs pensées, s’égarent quelquefois

Mais ils savent toujours nous faire voyager

Et même certains jours, sous des cieux étoilés.

 

J’ai suivi leur chemin, découvert des trésors

Et les alexandrins, comme les métaphores

Ont embrassé les rimes, caressé les voyelles

Un tourbillon sublime, poésie arc-en-ciel.

 

Trajet vers l’inconnu, juste un peu se pencher

Un pas vers l’absolu, plaisirs insoupçonnés

Ils ont su nous parler, Apollinaire, Hugo

Sans oublier Musset, Gautier, Arthur Rimbaud…

LE POÈTE ET LE PEINTRE

 Assis sur un vieux banc, tout au bord de l’étang,

Deux âmes assagies taquinent le génie,

Un peintre et un poète à jamais réunis

Les yeux écarquillés comme ceux des enfants.

 

Tutoyant le soleil et caressant le ciel,

Les deux sages contemplent, ébauchent et retranscrivent

La musique des lieux, les notes de la rive,

Le chant du rossignol et les bruissements d’ailes.

 

Ils écoutent la vie, le vieux saule qui pleure,

Le chêne qui frémit, le murmure de l’eau

Harmonie délicate et brillant concerto

Quel merveilleux cadeau ! Vénéré créateur.


Et cette partition resterait incomplète,

Si tous les musiciens de l’orchestre champêtre

N’avaient que les couleurs d’une triste palette

Mais ô félicité, la lumière est parfaite.

 

Quelques touches de bleu rasent l’onde argentée,

Et sous les points dorés, les têtes des iris,

Le peintre lentement peaufine son esquisse

Alors que son compère aligne les tercets.

 

Enfin, il n’est de vie sans parfums, ni senteurs

Les fragrances de roses, les effluves de verts,

Les deux hommes ont compris ce subtil mystère

Et versent sur leurs œuvres un peu de ces odeurs.

 

Mais il n’est de poème et de tableau sans fin

Alors je vous dirai, pour mes propos conclure

Qu’il faut aimer le son, les couleurs, la parure

De celle qui scintille et nous berce en son sein.

 

Et comme tous ces vers ne peuvent contenir

Sa puissance, sa force et ses douces chansons,

Je rajouterai bien que Nature est son nom

Ensemble sauvons-la, pensons à l’avenir !

 

L’ENVOLÉE

S’extirper du chaos qui englue nos esprits,

Essaimer quelques vers de douce fantaisie

Se lover dans les mots que d’autres ont posés

Écouter leurs échos, leur musicalité.

 

Pouvoir se projeter dans un je-ne-sais-où

Au fond d’un vieux cahier, un endroit un peu fou

Là où la règle d’or, c’est de livrer son cœur

Sans aucun mirador, seulement du bonheur.

 

Une autre dimension, au-delà des silences,

Il faut faire attention, bannir toute impatience

Et puis s’agenouiller et se laisser porter

Par les rimes embrassées couchées sur le papier.

 

Et alors se produit, l’harmonie salvatrice

Une rencontre inouïe, magie libératrice

Le lecteur et l’auteur dans le même univers

Symphonie de couleurs, de senteurs, de lumière.

En mon pays

LE SAINT-LAURENT

C’est d’une berge endormie battue par les vents au cœur des lacs immenses que naquit

Le Saint-Laurent.

Devenu cascade ronflante portant les eaux du dégel au printemps alors mugit

Le Saint-Laurent.

Puis sur les flots étales avec la lune discrète s’y reflétant, les étoiles sourient

Au Saint-Laurent.

Des Grands Lacs à l’Atlantique au soir flamboyant s’amusent les goélands au-dessus

Du Saint-Laurent.

 

Paradis des pêcheurs fourbus et parsemé de voiles petites et grandes chante avec joie

Le Saint-Laurent.

Les champs fleuris le bordent couverts d’outardes et d’oies blanches.

Dans l’allégresse du printemps entament une danse criarde en volant au-dessus

Du Saint-Laurent

De son estuaire bondissent baleines et bélugas en souriant si joyeusement

Au Saint-Laurent.

 

L’océan jaloux la majesté du golfe car en cette contrée les dieux gardent la noblesse

Du Saint-Laurent.

Au crépuscule violet s’endort l’eau calme parée de rose, de rouge et d’orangé et avance

Lentement le Saint-Laurent.

Entre chien et loup en vagues hurlantes vers les nuées d’orages s’y reflétant, rugit

Le Saint-Laurent.

Sous le velours sombre parsemé de diamants, mugissant et magnifique, s’enfle toujours le

Saint-Laurent.

 

Défiant les saisons, les glaces et les courants il demeure sans arrogance constamment

Le Saint-Laurent.

Sans marée et pourtant sans cesse changeant soupire si silencieux dans la nuit attentive

Le Saint-Laurent.

Là où l’onde plombée reflète l’azur triste et gris de l’automne, souvent indifférent

S’enfuit le Saint-Laurent.

Puis doucement devant ta demeure s’essouffle alors et enfin repose en toute royauté,

l’unique, le plus grand,

Le Saint-Laurent.

    

                                                                        

FLEUVES DE SANG

Aux lendemains dorés se sont succédés les jours vidés de ta présence

Aux lendemains dorés, en tous les vergers, dorment les arbres brisés

Reviens vite, sans toi je suis un somnambule mal éveillé

Reviens je t’en prie, depuis un siècle je suis lourd de ton absence

Au temps de la fin, des rivières sanglantes émergent et les furies

S’agrippent à mon esprit, leurs griffes bien ancrées en mon cœur 

Les montagnes éclatent, alors ricanent les monstres par moi créés

Je veille, hagard, sans cesse étonné des gestes simples de la vie

Je mime mon existence sans écho, esclave sans mémoire

Au temps de la fin, la terre craque et enfante des avortons

Au temps sans fin, si lent, exsude des visages connus dans un rêve

Reviens je t’en prie et que renaisse le simple jour ensoleillé. 


LES CHAMPS FLEURIS

Arlequin s’évade vers les champs fleuris

Sans espoir, visage hagard, il pleure et rit

Désormais, soleil éteint, Pierrot son ami,

Sous un ciel noir et gris, est mort aujourd’hui.

Habits sales et perles de pluie sur ses joues

Rêves déchirés, disparus les jours bénis

Autour de lui, les enfants aussi sont partis

Gris souvenirs s’enfuyant comme plumes au vent

Dans son costume à carreaux verts, en tremblant

Il marche sur la berge, près du lac sans remous,

Même les oiseaux se sont tus, anéantis

L’air parfumé désormais est amer rosé

Du bonheur, pommes et cerises oubliées.

L’infini sommeil a effacé son ami

Seul, le héros jamais ne fera plus d’heureux.

Arlequin titubant est détruit aujourd’hui.

Ce bouffon épuisé au visage ridé

Sans nul sourire, maintenant le dos courbé

Va sur la route de l’avenir, démuni.

Les amuseurs aveugles à vélo sourient aux anges.

Hurlent les funambules sous le chapiteau

S’efforçant de tomber avec élégance

Tous ces pauvres clowns au sourire morose 

Devenus des proscrits en leur propre pays.

Seul sur la piste ronde au sable pâle

En ombre vile tous feux dorénavant éteints

En cette nuit glauque où mourut le cirque,

Plus jamais ne fera rire tous les bambins 

Arlequin en pleurant s’enfuit

Arlequin est triste aujourd’hui.

LE PAYS INCONNU

Dans une contrée désertique rêvent les fourmis bleues

Et se forment les arbres, l’herbe et la faune en ce lieu

Issus de leur sommeil. En ces parages ces insectes bénis      

Créent un monde inconnu où leurs songes prennent vie

Hors de portée des humains, les fourmis s’efforcent

D’engendrer

Un paradis au tissu fragile, un monde à part, anonyme et

Indéfini

Que nul n’éveille les créateurs, que nul n’empiète sur leur

Pays.

LA CLAIRIÈRE

Une clairière inconnue dans une forêt perdue

Un lieu de sacrifice, un lieu de pardon. Un lieu d’oubli

Des feuilles sèches folâtrent au vent en valsant

Et les fougères en de gracieuses arabesques

Les saluent en souriant doucement.

Les arbres se chuchotent entre eux des secrets millénaires

Et les clochettes des tiges de muguets reposent en silence

Ici tout est miracle, tout est nouveau. Depuis toujours.

Les licornes font la sieste et les guêpes dansent avec

Les libellules

Les colonnes de lumière du soleil chauffent

Les hirondelles.

En ce lieu de demain inconnu des humains.

Le soleil accouche d’un temple immatériel

La forêt retient son souffle et je marche vers

L’autel solitaire.

LE DERNIER JOUR

Les étoiles sont voilées et le ciel n’est plus irisé.

La lame autrefois brisée est maintenant reforgée.

L’armée des précurseurs est en marche une fois dernière.

Dorénavant, les soldats confiants avancent, si fiers.

 

L’allégeance envers la terre est renouvelée, le sceau est sacré.

Les humains sont légions et la mort est sans pouvoir sur eux

Demain, la guerre telle un fol ouragan soudain et monstrueux

Éclatera et brisera les âmes malignes et les esprits funestes.

Vos glaives forgés par les anciens au cœur du feu de Mercure

Protégerons vos vieux corps bardés d’armures d’étain et d’acier

Vois, alertes et vigoureux, ils sont des milliers avançant vers

La grande guerre de notre ère, toutes races confondues

Nul n’échappera à la pesée sans pitié lors du

Dernier grand choc de notre temps.

Debout mes frères, le mal n’aura plus d’emprise grâce

À notre victoire, maintes fois espérée et souvent remise

En ce jour encore, voilà le seul combat, l’ultime rencontre

Soyez fiers et dignes, voilà le dernier jour de notre si long chemin.

 

Voilà le pays où nous vivrons désormais, fleuri de lavande et de roses.

Voilà, enfin la terre transformée en un immense jardin d’éternité.

 

De la mort je ne crains rien car je suis, depuis toujours, soldat du bien.  

ILS SONT LÀ

Tant de sourires amers et de rires jaunes

Des figures fripées et des membres distordus

Voilà, dit-on, de l’humanité les rebuts.

Vivants, ils accusent par leur seule présence

Les biens nantis et les biens portants.

 

En béquilles ou en fauteuil roulant

Regardez-les, ils ne s’évanouiront pas, jamais.

Regardez-les bien enfin car dorénavant

Ils sont vos frères, vos sœurs et vos enfants.

Mais vous détournez les yeux, en leur mentant.

Vous courrez et en vos demeures vous enfermant

Vous n’êtes plus alors que vile paille et vains témoins. 

AVEC CANDEUR

Embrasser l’extraordinaire toujours

Être candide sans être naïf

Du point du jour au crépuscule

Dire le murmure intérieur sans cesse

Être empreint du pouvoir des mots

Réfléchir sans arrière-pensées

À la recherche de la perle évocatrice

Et circonscrire l’émotion, la sensation.

 

Voilà le but ultime

Voilà la seule mission.

NOS ÂMES LIÉES

Aucun espace entre nos âmes ébahies

Désormais, par nos amours unies.

Nos esprits, par un serment muet, liés,

Une promesse sans cesse renouvelée.

 

La mort et la haine n’auront nulle emprise

Le temps sur nous n’aura non plus nul empire.

En toute éternité, en enfer ou au paradis

Je te retrouverai et

Notre serment doré, je reforgerai.

MIEUX

Sublimer l’ordinaire et l’élever vers la beauté

Ennoblir les gestes et ainsi soi-même

Devenir son propre idéal. S’épurer,

Retrouver sa matière première

 

Au centre de mon humanité

Je suis et serai à parfaire

Encore et toujours pour toi

Abraser mes défauts et polir mes qualités.

Mieux devenir ce que les autres voient en moi


« LE LONG LABEUR DU TEMPS »

- John Brunner

Ma vie est au ralenti

Mes gestes tremblotants

Je suis ici condamné à vivre.

La vie est lente.

Plus rien ne me fait joie.

Même mes souvenirs

Ne m’enchantent plus.

Je respire lentement,

Je mange lentement,

Je vis lentement.

Je suis vieux et

Reclus dans une chambre.

Mon corps est ma prison. 

PETITS MATINS

Petits matins d’été aux teintes rosées sans pareilles

Les rouges-gorges chantent leur allégresse

De minces hirondelles volent sous le soleil

L’aurore exulte et retentit de couleurs pastel

La rivière court en chantant une messe solennelle

 

Le murmure de la chute d’eau me charme

La brume se dissout en rosée parfumée

L’herbe et les arbres saluent le soleil levé

L’air immobile paresse et je m’éveille heureux

Je respire ton odeur, tu dors nue et je vis,

De toute la beauté du monde, j’ai les yeux emplis               

La nature respire enfin en ce jour saint

Et désormais ma vie est dans ta main.

KAMIKIA

Au nord du nord, avant le Mont-Laurier

Sur trente miles un lac immense s’étend

Il se rappelle encore son héroïque passé

Alors qu’il était couvert de rondins de pins

Il se souvient, nostalgique, des bandes d’Indiens

Dans leurs canots d’écorce, le labourant en

Descendant vers le village à peine fondé.

 

Un lac aux milles îles, un lac où l’orage fait rouler le tonnerre

Si puissamment qu’on le croirait à l’intérieur de notre maisonnée

Un lac à l’eau si pure que les poissons sont gênés d’y nager.

Kamikia : sous les milliers d’étoiles se reflétant à ta surface

Tu accueilles des ilots sauvages et sur leur plage se tordent

Des souches blanchies gardées par les renards et les merles.

Kamikia : un paradis inconnu, un secret si bien gardé,

Une mer intérieure aux eaux bleues dormant depuis dix mille ans

Un lac immense songeant au passé et, sans raison, souriant

Au soleil en un salut silencieux avec ses eaux enchantées. 

LE TOTEM

Je suis fils de plaines arides et de forêts de pins

Je suis enfant des vents d’hiver et du soleil d’été  

Je cours, en meute, le museau au vent, libre et vivant

Je suis le loup, menace, crainte et chef de clan

Au nord de la toundra, je suis maitre de mon royaume

Depuis des millénaires en mon domaine je chasse

Je suis craint par les hommes et les bêtes vivantes

Je suis loup, totem sacré issu du passé et force ardente. 

APPEL À TOUS

J’en appelle à tous, je suis Michel fils de Claude fils de Lionel.

J’en appelle à vous mes ancêtres : entendez-moi, encore une fois

Accordez-moi cette fois courage, assiduité et toujours persévérance

Ancrez-moi en cette réalité, que j’avance en matière dense.

Que votre souffle m’enflamme et je survolerai ces pierres sur

mon                                                                                                            chemin

J’en appelle à cette force invincible et invisible mais présente pourtant

Protégez-moi, soutenez-moi car au jour d’aujourd’hui, plus que jamais

J’ai besoin d’être guidé, alors que mes yeux se sont éteints, se sont enfuis.   

Depuis un millénaire je ne vois plus rien, mon royaume est la nuit

Aveugle je suis.

PARFUM COULEUR PASTEL

Fragrance en résonance virevoltant dans l’air salin,

Les âmes fragiles emportées sous le couvert des embruns.

Le vent doux amène son lot de joies fugaces

L‘invisible plaisir m’emplit de gratitude enfin.

 

Des effluves évanescents discrètement colorent mon sentier

L’ineffable demeure en soi où se taisent les remous du passé.

Bornes éphémères sur un chemin de joie, ses arômes parfumés

Teignent le tissu même de ma vie et embaument mon foyer.

LA MURALE

Une murale peinte à l’aquarelle, un dessin sans fusain.

Un triptyque coloré, trois tableaux étonnants.

Une maison, une famille déjeunant dans un jardin.

Des couleurs étalées sous un vernis étincelant,

Un ciel bleu indigo et à l’horizon des monts géants

Toute la beauté du monde nous représentant

Sans mouvement, unis sous les rires enfantins.

 

Une murale. Un moment d’éternité en remerciement.

LA PLAINE

La plaine. Immense et verdoyante,

Une mer de vagues vertes, caressantes.

Sans remous. D’est en ouest haletante

Sous le soleil, la plaine ondoyante,

Parsemée de trèfles et de marguerites.

 

Embrassant l’horizon à l’infini,

Accueillant les loups et les aigles.

Là où les dunes désirent être collines

Et les collines croient être montagnes.

La plaine, dormant le soir, indifférente,

En elle-même radieuse éternellement. 

Désormais en cette plaine immense

Tout est silence.

Cumulus

ARTICLE EN SOLDE

 

C’est la cavalcade dans les grands magasins

et moi qui suis chez le petit épicier

du bas de la rue

assis sur une étagère

entre les boîtes de lessive

et les sodas

je reste là

les jambes pendantes

à regarder toutes ces femmes

en talons hauts

en talons bas

descendre la rue

comme des gouttes de pluie

sur des toits de plexiglas

 

et mon petit épicier

a changé mon étiquette

et je suis même aujourd’hui

la promo de la semaine

un article en solde

la super promo

aux couleurs un peu passées

à force que la lumière me coule dessus

aux couleurs un peu ternies

à force que la poussière

me câline aussi.

 

Et j’entends la clochette

celle qui résonne comme l’arrivée de Dieu

quand un client entre dans l’épicerie

et je fais un sourire à la fille

qui commence à me tirer

les poils des mollets

et à me tâtonner

les poignets d’amour.

 

Et elle me chatouille tellement

que mon rire vient se glisser

sous son chemisier

et caresser les baleines

de son soutien-gorge

et un rire s’échappe de sa bouche

comme un moineau émoustillé.

 

Et elle me regarde

et me regarde encore

m’imaginant chez elle

dans sa cuisine

dans son salon

dans son lit

 

… et le matin

on se réveille

nus tous les deux

et le soleil semble tapoter

sur la vitre

pour vouloir entrer

par la fenêtre

et emmitoufler nos cœurs.


LES POILS DE NEZ DU DIABLE

 

Je me fais penser à une souris

dans un bol de lait

à nager la brasse

sur ton corps blanc

et à caresser la douceur des nuages

 

et tous ces grains de beauté

qui dansent comme des lutins

autour d’un feu de bois

nous invitent sans cesse

à de nouvelles farandoles.

 

C’est drôle, je n’aurais pas cru

que toi et moi…

et pourtant, c’est si simple

tout de suite si simple

que le Diable s’en arrache les

poils du nez

tandis que la Vierge Marie

nous prépare un gâteau au yaourt.

 

Toi qui parlais tant, au début

je te découvre

silencieuse, juste ta bouche

tes lèvres comme des îlots

de chair

sur lesquels je m’allonge

 

tu me parles de tes papillons

dans ton ventre

une flopée de papillons blancs

comme des mouchoirs de dentelle

agités par des centaines de mains

aux ongles vernis de rouge.

 

Tu sais comme je me plais dans ton petit studio

là où je passe la porte

dans ce couloir douillet

où je me faufile

pour vivre les yeux ouverts

pour vivre les yeux fermés…

lançant mon souffle

pour arracher du sol

ton cœur-confetti.

 

Et quand l’éclair déchire

le paravent de nos yeux

et que la lumière plonge

comme une torche dans l’océan

nous nous léchons les lèvres

pour ne pas perdre

le plus petit grain

de sel.

On ne se suicide que le lundi

Samedi sans dimanche : lundi. Je me mêle de mes affaires. 


*


Au revoir : ô bambin bombe d’autrefois. Autrement dit, moi et mon enfance comme le champignon de la bombe atomique en chacun de mes souvenirs. Des souvenirs qui seront adaptés au cinéma un jour. Hollywood j'arrive. Mon cerveau fait des free games over and over again. Mon modus operandi c'est que j'ai pas de ligne directrice. Shit. Avoir rien à dire. Dire à rien avoir une olympique de l’ineptie ou d’autre mot en « i » « j » « k » « l » « m » « n » « o » « p » … « q » « r » « s » comme satire sociale imprudente comme on se conte des peurs autour d’un feu de camp dans la cour arrière du malheur d’autrui.


*


Silence dissonant : je t'explose. Je réfléchis comme une guitare désaccordée qui feed à travers un ampli, oui. Je pense comme une chanson de Sonic Youth. Je suis un cadavre d’émeute près d’un au revoir jamais prononcé. Le genre d’au revoir qu'on omet de dire pour repousser l’échéance d’une séparation plus que imminente. Je ne dis pas : « Je ne veux pas te perdre. » Je dis plutôt : « Je veux tout perdre. » Si pour ce faire je dois me jeter dans la gueule du loup. J’y serai mangé vivant et ce sera tout, oui. Elvis aurait eu 86 ans cette année. Out of nowhere je reviens en arrière, oui. Quand j'étais petit, j'aimais m'imaginer Elvis encore en vie et travaillant comme pompiste dans une station de service du fin fond du Nevada. À la lueur de ça mes pensées s’alignent aujourd'hui comme les accords de guitare du grand (6 pieds 6 pouces selon Google) Thurston Moore sur cette collection de fins des temps qu'est Daydream Nation pour moi pis c'est tout. À savoir la dissonance du poème écrit dans un hôpital psychiatrique. 12 chansons qui me ramènent : A.) en enfer. B.) en enfance. C.) toutes ces réponses. Un peu comme si j'avais tenté d’effacer mon enfance pour réécrire par dessus, et de cette façon, Elvis Presley tel que je le voyais enfant et la musique de Sonic Youth telle que je la ressens aujourd'hui, en viennent à se croiser discrètement, ici, au milieu de ce que je voudrais condamner à une noirceur perpétuelle. Entre 2 riffs de guitare distortionnée, j'observe la désolation de mon enfance en  prenant conscience qu'observer relève plus de l’offensive que de la défensive en soi. Et j’en ressors changé mais pas dans le bon sens. Je ne suis plus l’enfant que j’aimerais encore être. 


*


Ô soleil de tsunami : ça m'inspire une fenêtre, oui. Qui elle ne m’inspire à peu près rien : « Saint-sacrament d’ostie de câlisse de saint-ciboire de tabarnak de crisse que c'est de la marde mon affaire. » Je comprends pas du tout ce qui est pas inutile. Meurtri dos au vent : un vol en plein jour. Trou de sourire sans mon haleine de guerrier immobile. Ah pis de la schnout esti, quand Robin Williams s'est suicidé en 2014, j'ai ressenti un grand vide à l’intérieur. Camus disait : Il n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux : c'est le suicide. Et la mort de Robin Williams vient donner un second souffle aux mots de Camus sans que je puisse écrire sur le sujet. Autrement dit, je suis à genoux comme à la messe à m'inventer des fantômes qui seraient gauchers pour l’anecdote. Et j'entends au loin des sirènes de police, oui. Ils marquent leur territoire dans mes oreilles à partir de la rue : effacer sans rancune. Je ne sais plus où je dois me tenir. Où je dois parler le braille. Où je dois me voir au subjonctif présent : que je me voie sans voix. Outre la mer que je n'ai vue qu'à la télévision. Une phrase que j’utilise comme alibi : Il n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux : c'est le suicide. Camus qui prend Robin Williams par la main. Sous mes yeux, un lundi. Sur ma vie, je n'y comprends  absolument rien, oui. Et la lourdeur qui entoure ladite phrase est selon moi d’une esthétique redoutable. 


*


Assumer le rebord de ma respiration. Dans les moments roses des autres. Mon cœur : 0,3 kilogrammes quand y bat. Quand y bat pas, je le sais pas. Même si je sais le poids de tout ce qui existe, habituellement : « Et où vont les abeilles pendant les mois d’hiver? » « Elles hibernent, semble-t-il. » Et ça aboutit à une indicible absurdité : une vie. Et plus personne pour la survivre en forme de cercueil. Sur des kilomètres, plus rien ou au contraire : l’abondance. La chemise de l’aube dépoitraillée sur mon visage et des trous plein la couche d’ozone.


*

  

 Ma voix : c'est de la fumée sans feu.